راگوتن : گویی سن ژرژی دست و پا چلفتی
سخن سردبیر
5/8/20245 min read


در رمانی قرن هفدهمی به نام رمان کمیک اثر پل اسکرون کوتولهی عاشق پیشهای به نام راگوتن برای خودنمایی نزد یکی از زنان گروه تئاتری که ایشان را همراهی می کند سوار بر اسب بزرگی می شود با ساز و برگ قهرمانی بلند قامت.
ترکیب قد کوتاه و ژست بلند قامت توصیفی از راگوتن به نمایش می گذارد که مثال خوبیست برای شرایطی که مورد تقلید از حدود و بضاعت مقلد خارج است و کوشش جدی او تنها نمایشی خنده آور بر جای می گذارد.
« Ragotin, qui en fut averti, alla attendre le carrosse dans une hôtellerie qui était au bout du faubourg, et attacha un beau cheval, qu’il avait emprunté, aux grilles d’une salle basse qui répondait sur la rue. À peine se mettait-il à table pour dîner, qu’on l’avertit que les carrosses approchaient. Il vola à son cheval sur les ailes de son amour, une grande épée à son côté et une carabine en bandoulière. Il n’a jamais voulu déclarer pourquoi il allait à une noce avec une si grande quantité d’armes offensives, et la Rancune même, son cher confident, ne l’a pu savoir. Quand il eut détaché la bride de son cheval, les carrosses se trouvèrent si près de lui qu’il n’eut pas le temps de chercher de l’avantage pour s’ériger en petit Saint-George. Comme il n’était pas fort bon écuyer et qu’il ne s’était pas préparé à montrer sa disposition devant tant de monde, il s’en acquitta de fort mauvaise grâce, le cheval étant aussi haut de jambes qu’il en était court. Il se guinda pourtant vaillamment sur l’étrier et porta la jambe droite de l’autre côté de la selle ; mais les sangles, qui étaient un peu lâches, nuisirent beaucoup au petit homme ; car la selle tourna sur le cheval quand il pensait monter dessus. Tout allait pourtant assez bien jusque-là ; mais la maudite carabine qu’il portait en bandoulière, et qui lui pendait au cou comme un collier, s’était mise malheureusement entre ses jambes sans qu’il s’en aperçût, tellement qu’il s’en fallait de beaucoup que son cul ne touchât au siège de la selle, qui n’était pas fort rase, et que la carabine traversait depuis le pommeau jusqu’à la croupière. Ainsi il ne se trouva pas à son aise, et ne put pas seulement toucher les étriers du bout du pied. Là-dessus les éperons « qui armaient ses jambes courtes se firent sentir au cheval dans un endroit où jamais éperon n’avait touché. Cela le fit partir plus gaiement qu’il n’était nécessaire à un petit homme qui ne posait que sur une carabine. Il serra les jambes, le cheval leva le derrière, et Ragotin, suivant la pente naturelle des corps pesants, se trouva sur le cou du cheval et s’y froissa le nez, le cheval ayant levé la tête par une furieuse saccade que l’imprudent lui donna ; mais, pensant réparer sa faute, il lui rendit la bride. Le cheval en sauta, ce qui fit franchir au cul du patient toute l’étendue de la selle et le mit sur la croupe, toujours la carabine entre les jambes. Le cheval, qui n’était pas accoutumé d’y porter quelque chose, fit une croupade qui remit Ragotin en selle. Le méchant écuyer resserra les « jambes, et le cheval releva le cul encore plus fort, et alors le malheureux se trouva le pommeau entre les fesses, où nous le laisserons comme un pi vol, pour nous reposer un peu ; car, sur mon honneur, cette description m’a plus coûté que tout le livre, et encore n’en suis-je pas trop satisfait.
CHAPITRE XX
Le plus court du présent livre. Suite du trébuchement de Ragotin, et quelque chose de semblable qui arriva à Roquebrune
Nous avons laissé Ragotin assis sur le pommeau d’une selle, fort empêché de sa contenance, et fort en peine de ce qui arriverait de lui. Je ne crois pas que défunt Phaéton, de malheureuse mémoire, ait été plus empêché après les quatre chevaux fougueux de son père, que le fut alors notre petit avocat sur un cheval doux comme un âne ; et s’il ne lui en coûta pas la vie comme à ce fameux téméraire, il s’en faut prendre à la fortune sur les caprices de laquelle j’aurais un beau champ pour m’étendre, si je n’étais obligé en conscience de le tirer vitement du péril où il se trouve ; car nous en aurons beaucoup à faire, tandis que notre troupe comique sera dans la ville du Mans. Aussitôt que l’infortuné Ragotin ne sentit qu’un pommeau de selle entre les deux parties de son corps qui étaient les plus charnues, et sur lesquelles il avait accoutumé de s’asseoir, comme font tous les animaux raisonnables ; je veux dire qu’aussitôt qu’il se sentit n’être assis que sur fort peu de chose, il quitta la bride en homme de jugement, et se prit aux crins du cheval, qui se mit aussitôt à courir. Là-dessus la carabine tira. Ragotin crut en avoir au travers du corps ; son cheval crut la même chose, et broncha si rudement, que Ragotin en perdit le pommeau qui lui servait de siège, tellement qu’il pendit quelque temps aux crins du cheval, un pied accroché par son éperon à la selle, et l’autre pied et le reste du corps attendant le décrochement de ce pied accroché, pour donner en terre, de compagnie avec la carabine, l’épée, le baudrier et la bandoulière. Enfin le pied se décrocha, ses mains lâchèrent le crin, et il fallut tomber ; ce qu’il fit bien plus adroitement qu’il n’avait monté. Tout cela se passa à la vue des carrosses qui s’étaient arrêtés pour le secourir, ou plutôt pour en avoir le plaisir. Il pesta contre le cheval, qui ne branla pas depuis sa chute ; et, pour le consoler, on le reçut dans l’un des carrosses en la place du poète, qui fut bien aise d’être à cheval pour galantiser à la portière où était Inézilla. Ragotin lui résigna l’épée et l’arme à feu, qu’il se mit sur le corps d’une façon toute martiale. Il allongea les étriers, ajusta la bride, et se prit sans doute mieux que Ragotin à monter sur sa bête. Mais il y avait quelque sort jeté sur ce malencontreux animal : la selle mal sanglée tourna comme à Ragotin ; et ce qui attachait ses chausses s’étant rompu, le cheval l’emporta quelque temps un pied dans l’étrier, l’autre servant de cinquième jambe au cheval, et les parties de derrière du citoyen du Parnasse fort exposées aux yeux des assistants, ses chausses lui étant tombées sur les jarrets. L’accident de Ragotin n’avait fait rire personne, à cause de la peur qu’on avait eue qu’il ne se blessât ; mais Roquebrune fut accompagné de grands éclats de risée que l’on fit dans les carrosses. Les cochers arrêtèrent leurs chevaux pour rire leur soûl ; et tous les spectateurs firent une grande huée après Roquebrune, au bruit de laquelle il se sauva dans une maison, laissant le cheval sur sa bonne foi ; mais il en usa mal, car il s’en retourna vers la ville. Ragotin, qui eut peur d’avoir à le payer, se fit descendre de carrosse, et alla après ; et le poète, qui avait recouvert ses parties postérieures, rentra dans un des carrosses, fort embarrassé, et embarrassant les autres de l’équipage de guerre de Ragotin, qui eut encore cette troisième disgrâce devant sa maîtresse, par où nous finirons ce vingtième chapitre. »
Extrait du Roman comique de Paul Scarron
